La Crêt de Chalam par la Borne au lion de le Chemin des Espagnols

« Ici on marche sur l’histoire » ce que disait Cicéron d’Athènes, on pourrait le dire du crêt de Chalam, véritable pyramide dominant les Hautes Combes.

Après une bonne nuit à la Guienette, nous voilà partis dans la vallée de Chézery, combe synclinale, enserrée entre les Monts Jura et le Crêt de Chalam, surcreusée par les glaciers quaternaires puis par l’érosion de la Valserine affluent de la rive droite du Rhône. Jusqu’au début du XIX ème siècle, des cultures de céréales (orge) furent pratiquées en assolement dans les prés de fauche d’altitude. Les forêts de fayards (hêtres) occupaient les pentes raides, contribuant à la stabilité des sols et au chauffage des habitants. L’hiver, le paysan allait chercher le fourrage dans les granges d’altitude pour nourrir son bétail à l’aide d’un traîneau à bras. Les ruines d’un village en altitude, retrouvées sous le Crêt des Frasses, témoignent peut-être d’un système plus ancien où les gens et les troupeaux montaient sur les sommets pendant la saison d’été et redescendaient dans la vallée pour l’hiver.

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Ruines du Moulin Thomas à Chésery

Un premier artisanat, lié à l’agriculture et contrôlé par les moines, s’établit le long de la Valserine et de ses affluents. (Plusieurs fois la Valserine a inondé le village). Plusieurs moulins à blé, battoirs à chanvre et pressoirs à noix furent construits … deux moulins à Chézery, un en haut de la Combe des Etrets, un à Forens et un à Magras. Puis au XVIII ème siècle, les Chézerands, pour occuper les longs mois d’hiver se livrèrent au travail de l’horlogerie. Ils fabriquaient des mouvements de montres et allaient les vendre à Genève.

Un temps, une verrerie s’établit dans le Corps de Garde, dans la Combe du Manant. Elle utilisait des sables siliceux qui apparaissent par endroit. En 1771, Voltaire acheta au verrier de Chézery, 300 bouteilles, des verres … Au XIX ème siècle, le lapidaire remplaça l’horloger, en 1907 la commune comptait 200 ouvriers qui taillaient les pierres précieuses de couleur. L’hiver les hommes partaient jusque dans la vallée du Rhin peigner le chanvre. Au début du XX ème siècle, des mines d’asphalte à Forens connurent une existence éphémère. La richesse principale était la fabrication des fromages persillés (Bleu de Gex) ou Gruyère (Comté).

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Église à Chésery

Sur la commune, se trouvait l’Abbaye de Chésery construite en 1140. Les moines de cette abbaye sont à l’origine du défrichement de la vallée et de l’installation d’une population permanente dans ce lieu réputé hostile. Ils sont également à l’origine de la création de certains alpages sur la Haute Chaîne du Jura. Cette abbaye qui avait une influence importante dans la région, a fini par disparaître en 1793, détruite par la population locale en colère. En effet, alors que la révolution faisait rage, les Chézérands étaient encore, à cette époque, « Serfs et mainmortables » de la royale Abbaye de Chézery. Après tant de souffrances endurées par la présence des moines, ils envahissent et pillent le monastère en 1793. De cette abbaye, il reste encore certaines constructions et dépendances mais surtout la disposition caractéristique du village.

Une légende conte : qu’en 1467, un moine de Chézery, le frère Anselme, décide de partir en pèlerinage àSaint Claude. Face à une grosse tempête de neige entre la Valserine et le plateau de Bellecombe, il se réfugia derrière un gros rocher mais tomba, engourdi par le froid. Constand Grossiord, un paysan des Moussières rentrait chez lui après avoir livré le miel de ses ruches le matin même à Lelex. Intrigué par les pas, à peine visibles dans la neige, il se dirigea vers le rocher où gisait le moine qu’il crut mort. Il l’enveloppa dans sa grosse cape et le chargea dans sa hotte. La fatigue le gagna quand il fut surpris par une meute de loups. L’un deux l’attaqua à la cuisse, il tomba, se releva malgré la fatigue et son chargement et frappa de sa trique le chef de la meute. Les loups s’enfuirent et Constant put ainsi rentrer chez lui. À son réveil, le frère Anselme apprit les dures épreuves que Constant endura pour lui sauver la vie. Il voulut le remercier pour son courage, dépourvu d’argent, il lui révéla le secret de fabrication du fromage que son monastère fabriquait à Chézery, c’est ainsi que depuis plus de cinq cents ans, le Bleu se fabrique aux Moussières…

Nous partons de Chézery direction le Moulin Thomas … un outil de l’économie locale, le moulin Thomas fut implanté dans le courant du XVIII ème siècle près de l’ancien pont qui permettait, au Chemin des Espagnols, un siècle auparavant, de franchir la Valserine. Ses meules transformaient en farine les céréales produites autour des hameaux de Noirecombe, de Rosset, de la Rivière et des nombreuses maisons isolées éparpillées sur les versants de la vallée. À cette fonction liée à l’économie de subsistance, s’ajoutait le débitage des grumes coupées dans les forêts environnantes. Les crues de 1910 détruisirent les installations hydrauliques et emportèrent le pont. Une passerelle a été rebâtie en 2003, à l’initiative de l’Amicale des sentiers chézerands, redonnant idée des circulations qu’entraînait la présence du moulin dans ce lieu éloigné des autres habitations : passage des ânes chargés de sacs de grains, des trinque-balles charriant les troncs de sapin, des chariots emportant poutres et planches vers les chantiers de construction.

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Nouveau pont sur le chemin des Espagnols

La gestion des ressources ligneuses fut une des grandes préoccupations des autorités locales depuis très longtemps. Le bois constituait la richesse principale de nombreuses communautés d’habitants. Les sapinières furent préservées dès le Moyen Âge. Les coupes étaient confiées à des bûcherons qui se chargeaient de l’abattage. Pour la vidange, les troncs étaient jetés dans des couloirs aménagés à cet effet, les jets ou lançoirs dans lesquels ils étaient dirigés par les débardeurs à l’aide de pics ( les tiapis). Les grumes étaient ensuite charriées par les trinque-balles. Les nombreuses scieries débitaient les poutres et les planches nécessaires à la charpenterie et la menuiserie.

Après le moulin Thomas nous grimpons et traversons le hameau de Noire Combe et continuons l’ascension jusqu’à l’ancien moulin de Magras, avant d’arriver à la ferme du même nom.

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L’ancien Moulin de Magras

Notre but étant le crêt de Chalam, je n’avais aucune idée de ce qui nous attendait sous la dénomination de « la Borne au Lion ».

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chalet Romans-Petit à la Borne au Lion

La Borne au Lion alt. 1289 m incarne l’histoire tourmentée que connut la région au XVII ème siècle lors de son rattachement au royaume de France. Ce bloc de calcaire reste visible au lieu-dit des Magras, où subsiste une habitation de la même époque qui donne à ce paysage un air hors du commun. Dans cette solitude, difficile d’imaginer que la Borne au Lion, nommée autrefois Borne aux Trois Empires, soit posée sur un ancien axe de communication important. Classée monument historique elle délimitait pourtant les territoires des royaumes de France, d’Espagne (car la Franche-Comté appartenait alors à la couronne espagnole) et du duché de Savoie.

Elle porte encore la date de 1613 (traité d’Auxonne) et, sur ses faces, les écussons et emblèmes presque effacés des trois empires : les fleurs de lys de France, la croix savoyarde et le lion franc-comtois, duquel provient son nom actuel. De nombreuses bornes furent érigées dans le secteur après le traité de Lyon en 1601, traité par lequel Henri IV ajoutait au royaume de France la Bresse, le Bugey et le pays de Gex, suite au conflit avec le duché de Savoie. Cette dernière conservait la rive droite du Rhône, un territoire aboutissant à la borne par le passage de Creux Manant, encore dénommé aujourd’hui le chemin des Savoyards ou des Espagnols. Aujourd’hui la Borne au Lion marque la limite des départements du Jura et de l’Ain.

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La Borne au Lion

Le belvédère de la Borne au Lion offre un panorama extraordinaire sur le Crêt de Chalam. Ces lieux virent à cette époque les affrontements entre les bandes des « Gris » et des « Cuanais » partisans opposés des rois de France et d’Espagne.

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Mémorial des Maquis du Haut-Jura et de l’Ain

C’est aussi un haut lieu de la Résistance. En 1943 et 1944, 3000 combattants des maquis du Haut-Jura et de l’Ain s’y sont installés sous le commandement du colonel Petit pour combatte les troupes allemandes qui menèrent de terribles représailles contre les populations. Les fermes isolées abritaient les postes de commandement ou étaient transformées en hôpital de campagne. Le mémorial Romans-Petit, du nom du commandant du maquis, y est érigé.

Mais pourquoi le chemin des Espagnols ? La région finit par échoir à la France lors du traité de Lyon en 1601, après accord avec de Duc de Savoie. Une seule condition du côté Savoyard, un couloir devra être aménagé dans le pays de Gex et la vallée de la Valserine afin de permettre aux troupes espagnoles de transiter d’Italie (Gênes) jusqu’aux Pays Bas en traversant le Duché de Savoie, la vallée de la Valserine, la Franche-Comté et la Lorraine. Le couloir, territoire du Duc de Savoie s’appellera le Chemin des Espagnols. La commune de Chézery se trouvant sur le passage du couloir est restée ainsi savoyarde jusqu’au traité de Turin en 1760, alors que Lélex et Forens étaient français.

Après un bon pique-nique il est l’heure de grimper au Crêt de Chalam alt. 1 545m, véritable pyramide dominant les Hautes Combes. L’appellation viendrait de chaume (bien qu’il soit aujourd’hui de plus en plus couvert de forêts). C’est un belvédère recherché au-dessus de la vallée de la Valserine, face à la Haute Chaîne du Jura.

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Dernière phase de la montée au Crêt de Chalam

Arrivés au sommet de ce véritable petit Cervin Local (appellation sympathique dans la région) la vue remarquable sur tous les autres sommets du Jura récompense tous nos efforts.

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La cascade des Etrés

C’est à regret que nous laissons cette vue panoramique de 360 ° et redescendons de ce sommet émergeant de la forêt pour rejoindre Chésery par les Grand et Petit Manet … cerise sur la gâteau nous trouvons sur le chemin du retour une superbe cascade … la cascade des Etrés, vrai petit paradis. Du hameau de Forens nous rejoignons Chézery par la route.

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Un petit coucou pour les amis depuis la Borne au Lion

à suivre …

Marthe

Fuente: Marche Passion

2 comentarios en “La Crêt de Chalam par la Borne au lion de le Chemin des Espagnols”

    1. He leído el libro y en efecto es una excelente obra de referencia. Hay otras muchas en castellano, pero estas descripciones ayudarán en nuestro próximo viaje al Camino Español

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